QUE SONT-ILS DEVENUS ? LEILA BERRADA MNIMENE, EN 4e ANNEE A SCIENCES-PO PARIS

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Leïla Berrada Mnimene, 22 ans

et étudiante à Sciences-Po Paris

Depuis quelques mois, notre établissement essaie régulièrement de vous donner des nouvelles de nos ancien.ne.s élèves. De celles et de ceux qui sont aujourd’hui étudiant.e.s, dans de prestigieuses écoles européennes ou en Amérique du Nord, ou alors épanoui.e.s dans la vie active, à Marrakech ou ailleurs dans le monde. Récemment, c’était Anas Hadni qui nous avait fait l’honneur de nous parler de ses études en Suisse, dans une grande école d’ingénieur. Aujourd’hui, c’est au tour de Leïla Berrada Mnimene de “se mettre à table” et nous parler, avec sincérité et humour, de son parcours d’étudiante placé sous le signe de l’excellence. 

Agée de 22 ans, Leila a passé toute sa scolarité au Lycée français de Marrakech, du CP à la terminale. “J’y ai passé une grande partie de ma vie, admet-elle, d’emblée. Les murs couleur brique, la cafétéria, le CDI, les terrains de sport, les salles de classe du bâtiment C, les tables bleues, marquent mon esprit encore aujourd’hui, et continueront à le faire. Les professeurs que j’y ai côtoyés, les amis que j’y ai rencontrés, le personnel et les surveillants sont ma deuxième famille. On ne va pas se mentir : en réalité, j’y ai passé bien plus de temps cumulé que dans ma propre maison, avec mes propres parents. Alors le Lycée Victor Hugo de Marrakech a une grande place dans mon éducation et dans l’évolution de mon écosystème et de mon parcours. Il y a ceux qui m’y ont guidée, ceux qui m’ont déçus, ceux qui m’ont inspirés, ceux qui m’ont encouragés, les détracteurs, les moments de joie et les moments de pleurs et de doutes.

Globalement, quel souvenir gardes-tu de tes années “lycée” ?

Je me suis souvent interrogée sur l’extérieur, sur la réalité qui existait en dehors de notre bulle privilégiée, sur ce qu’aurait été ma vie dans un lycée marocain public ou privé. J’ai réalisé la chance que j’avais, l’éducation d’excellence, et l’ensemble du parascolaire qui complétait mon parcours. J’en garde un souvenir ambivalent, j’imagine, comme tous qui passons par là, mais un souvenir essentiellement positif : j’y ai vécu de belles années, mais certainement pas les plus belles années de ma vie. J’y ai construits des amitiés solides, des connaissances solides, je me suis ouverte au monde, j’y ai fait germer ma curiosité…

Scolairement, tu te débrouillais bien ?

Comme vous l’avez sans aucun doute compris, j’étais une bonne élève. Une très bonne élève même, si je ne veux pas être modeste. J’étais tête de classe. Une vraie petite intello ! Mais j’ai survécu. Et j’ai même très bien survécu. J’avais de supers groupes d’amis, d’excellentes relations avec mes professeurs, d’excellentes notes. Bon, j’avoue, sauf en sport. J’étais une vraie quiche, à l’exception de la natation. Mais sinon, les tours de terrain, les parcours, les jeux collectifs… je devenais rouge comme une tomate, essoufflée au moindre effort.

En fait, j’étais une élève très éclectique : excellente en mathématiques, en sciences, passionnée de littérature, de langues. Il était rare pour moi d’avoir de mauvaises notes. Mais je travaillais énormément. Je ne me reposais jamais sur mes lauriers.

Parlons un peu de l’orientation…

En seconde, je ne savais pas ce que je voulais faire car j’étais très pluridisciplinaire. J’avais pensé à médecine, j’avais pensé au droit, aux écoles d’ingénieur, aux écoles de commerce, aux prépas, à Sciences Po. Mais rien ne passionnait plus qu’autre chose. J’ai fini par aller en S, car comme on nous dit souvent dans ce lycée, c’est « la voix qui ouvre le plus grand nombre de portes ». Avec le recul maintenant, peut-être que je serais allée en ES. Même si je ne regrette pas ma formation en S, mais j’aurais sans doute appris les choses différemment.

Une fois en terminale, il a fallu s’orienter. A l’époque, nous avions nos professeurs principaux qui mettaient en place des entretiens individuels pour discuter de nos choix. Pour ma part, j’avais eu l’idée de faire Sciences Po, et puis pour ne pas trop me casser la tête et puisque c’était excellent, je me disais que j’allais aller en prépa. Mais en réalité, je n’étais pas vraiment convaincue, ni attirée par quoi que ce soit, mais il fallait bien trancher.

Peux-tu nous raconter comment as-tu réussi à intégrer à Sciences-Po Paris ?

J’avais été admise en prépa à Sainte-Genevièven à Versailles, en choix 1, et j’étais également admise à l’oral de Sciences Po. J’y suis allée, mais je n’étais absolument pas préparée, j’ai fait un ou deux oraux blancs organisés par des professeurs volontaires du lycée, que je remercie du fond du cœur, j’ai préparé l’oral avec Alexiane, une amie qui m’a aidée, et c’est tout. Terrible erreur, je n’ai jamais été aussi stressée que les semaines qui ont précédées mon oral et le jour du grand saut. Ne faites pas comme moi, préparez-vous !!!

 Finalement, tout s’est bien passé…

Oui, j’ai fini par être admise à Sciences-Po Paris, sur le campus de Menton. Il faut savoir que Sciences Po Paris est un école pluridisciplinaire de sciences sociales, qui compte 7 campus dans le pays : Paris, Dijon, Le Havre, Menton, Poitiers, Nancy et Reims. Chaque campus se concentre plus spécifiquement sur une région du monde. Ainsi, j’ai étudié sur ce campus spécialisée dans le Moyen-Orient et la Méditerranée pendant mes deux premières années.  

On y étudie quoi, précisement ?

Le socle commun comprend du droit, de l’économie, de la science politique, de l’histoire, de la sociologie, des ateliers artistiques, des langues (j’ai repris l’arabe) et des expériences de vie. Il y a deux programmes, celui en anglais et celui en français, mais en deuxième année, pas mal de cours se font en anglais.

CLASSEMENT MONDIAL

Fondé sur des valeurs d’ouverture et d’excellence, l’Institut d’études politiques de Paris, communément appelé Sciences-Po, figure d’après le classement QS au 2e rang mondial en sciences politiques et relations internationales en 2020, juste après Harvard, et constitue ainsi la première université européenne en la matière.

Parle nous de tes premiers mois en France. A-t-il été simple de t’acclimater à ce nouvel environnement, ce nouveau rythme, cette nouvelle vie ?

Mes débuts à l’université n’ont pas du tout été rose : pas la vie idéale d’étudiante que j’imaginais en tout cas. J’ai passé mon été à angoisser pour ma rentrée à Sciences-Po : comment j’allais être, est-ce que je serai à la hauteur, aurai-je des amis, vais-je me plaire à Menton… J’en pleurai même dans mon lit, sans en parler à personne, parce qu’après tout je devais être contente d’être à Sciences-Po, une école prestigieuse. Une fois à Menton, j’ai adoré la ville, mais je me suis sentie très vite en dehors de ma zone de confort pour la première fois de ma vie : je ne parlais pas si bien que ça anglais, les cours allaient trop vite pour moi, je ne savais pas prendre de notes, je n’arrivais pas à m’organiser, je n’arrivais pas à trouver l’équilibre dans ma vie, et les nouvelles responsabilités me semblaient comme une montagne….

Je me souviens avoir très mal vécu mon premier semestre. Ma mère a dû venir rester avec moi pendant un mois et demi à Menton. Je passais mon temps à pleurer. Je n’en ai pas profité. J’étais si angoissée. Je passais mon temps dans les bureaux de l’administration et du psy de Sciences-Po. C’était dur. Mais on finit par surmonter les obstacles, et ça devient meilleur…

Le recours aux proches fut bénéfique, non ?

Effectivement, j’aimerais souligner l’importance de garder les liens avec ses amis du lycée et sa famille. Quand on se retrouve à l’étranger, en dehors de la bulle de Marrakech, le coup est dur à encaisser. C’est dur, le passage à l’âge adulte. Mais c’est la vie. Je ne vais pas m’étendre, mais je pense qu’il essentiel, pour les élèves, et avec l’aide de leurs parents, de prendre soin de sa santé mentale, en particulier à cet âge pivot. N’hésitez pas à aller voir des spécialistes, ça aide. N’hésitez pas à en parler. C’est normal de passer par des coups durs.

Dans ton parcours, on y trouve une parenthèse américaine. Peux tu nous en parler ?

En troisième année je suis allée en échange aux Etats-Unis : c’est l’année de mobilité obligatoire quand on est à Sciences-Po. Je l’ai passé en Pennsylvanie, à l’Université de Pittsburgh. C’était super, je m’y suis vraiment épanouie, j’ai progressé en anglais, j’ai découvert la réalité de la culture américaine.

Tu es aujourd’hui en 4e année à Sciences-Po et tu vis désormais à Paris.  As-tu une idée de ce que tu vas faire, une fois les études finies ? 

Je n’ai jamais su précisément ce que je voulais faire. C’est pour cela que Sciences-Po a été un excellent choix car il m’a laissé le temps de me construire. Je n’étais passionnée par rien en particulier. J’aime beaucoup écrire. Et lire. Mais comme beaucoup. J’ai cru que je voulais faire du droit. J’ai commencé mon M1 en droit économique à Sciences-Po, à Paris après ma troisième année. Et là, c’était une lente descente aux enfers. Je ne m’étalerai pas sur le sujet mais pour être brève, j’ai fait une dépression sévère. Et oui, c’est possible, même à 21 ans, pendant les « meilleures années de votre vie ».  Mais je vais mieux à présent, et surtout, je sais que ce que je veux faire maintenant, c’est du Marketing, pour le mélange entre rigueur et créativité, pour la stratégie d’entreprise qui m’intéresse énormément, pour le marketing politique.

 Comment se passe ta vie à Paris ?

J’adore Paris. A présent que ça va mieux. J’y suis en stage, dans le milieu de l’économie sociale et solidaire, à la Villa des Créateurs dans le 18e arrondissement. C’est une petite entreprise, qui fait de la programmation culturelle et artistique et de l’accompagnement de projet. J’y ai beaucoup de responsabilités et d’excellentes relations avec mes maîtres de stage. On apprend toujours mieux dans des petites structures. Moi, cette expérience a changé ma vie et continue de la changer. A Sciences Po, à Menton, j’ai été impliquée dans l’association TEDxSciencesPoCM, qui venait d’être créée. C’était génial !

La cité ocre te manque-t-elle ? 

Parfois, oui. Au début énormément, on devient nostalgique du lycée, de nos amis et avec le temps, on s’habitue à notre nouvelle vie, notre nouveau chez soi. Je n’ai pas manqué de soleil à Menton heureusement. L’ambiance souk de Marrakech me manquait. La nourriture. A chaque fois que je rentre, je fais mon petit parcours culinaire : bejgueni, sushis à Katsura, et les plats de ma mamie et de ma maman. J’aime retourner au lycée Victor Hugo. J’aime revoir mes professeurs. Je reste d’ailleurs en contact avec ceux qui le souhaitent, tout comme avec ma promo de lycée, et avec des élèves plus âgés ou plus jeunes. J’essaye aussi de rendre au LVH ce qu’il m’a transmis en parlant avec des élèves qui s’interrogent sur Sciences-Po.

L’entretien arrive à son terme. Nous te remerçions pour le temps que tu as consacré à cet interview. Avant de se quitter, une dernière question : quels conseils as-tu envie de donner aux élèves actuellement au lycée, en confinement, et forcément en train de réfléchir à ce qu’ils feront après le Bac ?

C’est vrai qu’il est temps de me taire un peu après ce laïus ! Mes petits conseils… Si vous ne savez pas réellement ce que vous souhaitez faire, c’est normal ! Je n’ai jamais su que je voulais aller à Sciences-Po. J’ai juste tenté le coup. Je n’étais pas sûre de moi. Je n’aimais pas particulièrement la politique : d’ailleurs, je n’y comprenais rien. Incapable de différencier un programme de gauche et de droite. Incapable de vous citer les noms des ministres. Mais, et alors ? Après tout, on va à l’université pour apprendre.

Alors, ayez l’envie d’apprendre. Soyez curieux. Soyez courageux. Sortez de votre zone de confort. Et surtout, surtout, surtout, ayez confiance en vous. J’en ai terriblement manqué. Et j’ai payé cher au fil de mes crises d’angoisse et de mes doutes. Maintenant, je vais mieux. Mais il m’a fallu 4 ans d’études supérieures pour enfin me sentir légitime et à ma place à Sciences-Po. Enfin, posez des questions autour de vous, dépassez-vous ! Lisez, cultivez-vous. Valorisez aussi l’extra-scolaire : moi j’étais trop intello, j’aurais aimé avoir fait plus de sport, plus d’art, plus d’activités pour le plaisir ! Profitez de cette période de coronavirus pour développer votre curiosité et vos passions. C’est le moment idéal. Gardez le lien avec vos amis, créez du lien avec d’autres. Profitez-en ! Pour ma part, je suis à Paris actuellement, seule dans mon studio du 14ème arrondissement, loin de ma famille pour qui je ne peux m’empêcher de m’inquiéter. Mes parents sont en première ligne, pharmaciens, et je les admire. Ils m’ont énormément inspirée, et soutenue pendant toutes ces années. Je leur suis éternellement reconnaissante. Et j’en profite, puisque j’en ai la possibilité, pour adresser un remerciement tout particulier à l’ensemble de l’équipe pédagogique et administrative de l’établissement.

Si vous souhaitez lui poser plus de questions, n’hésitez pas à contacter Leïla sur son compte instagram @liloandstichl ou par mail à l’adresse suviante : leila.berradamnimene@sciencespo.fr

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